Groupe citoyen pour la préservation des patrimoines culturels et naturels
Le béton dans l'amphithéâtre, qui dit la vérité ?
« À une vérité ténue et plate, je préfère un mensonge exaltant » narrait Pouchkine ». Il semblerait que cet adage de l’époque romantique soit une grande mode saintaise dans les débats autour des patrimoines... débats devenant pour le moins « romanesques ». Béton ou pas béton dans l’amphithéâtre ! Qui dit vrai ?
MédiaCtions (on ne le dira jamais assez) travaille depuis deux ans pour que la grande fragilité du monument soit prise en compte avant tout projet. Proposant un dessein culturel alternatif et innovant, respectant l’environnement avec la reconstruction des accueils et l’organisation de spectacles « raisonnés », notre association a aussi averti ces jours derniers, que ledit projet municipal prévoyait une installation d’assises- gradins thermo-laquées sur des plots de béton ancrés sur la roche ou le remblai du monument, le tout « enrubanné » d’un « engazonnage » trompe-l’œil, à vieillissement limité.
C’est avec ces mots justes et précis « de béton armé » qu’ont été transmises les explications de construction des gradins par les architectes Sunmetron, accueillant les publics pendant les Journées Européennnes du Patrimoine. Des mots explicités devant nombre de témoins.
Suite à notre tribune et à la demande d’interview concomitante à notre intervention dans Sud Ouest pour alerter sur les dangers du béton, la Ville a précisé ne pas vouloir répondre. Ce n’est qu’une semaine après la sortie de l’article, lors d’un enregistrement contradictoire sur Radio Demoiselle FM, que Monsieur le Maire répondait à Cécile Trébuchet, accusant de mensonges les membres de l’association. « C’est faux », dit-il, « ces gens-là répandent des faux bruits pour effrayer les habitants ». (Cliquer sur le lien radio en pièce jointe). Il sortait alors du chapeau un nouveau matériau sans qu’il ne soit plus question de béton.
Journal de Demoiselle FM
Edition du 10/10/2019
Reportage à 1'22 min
Une semaine durant, le miracle communication a donc été minutieusement préparé pour sortir la nouveauté saintaise du matériau « pisé ». On nous expliquera même, (mais si !) que les gradins seraient essentiels pour la lutte contre les glissements de terrain et partie prenante de la restauration. (Le chapeau à trouvailles est sans fond) ! Judicieux rapprochement rhétorique quand on sait que les chèques du loto et les dons sont normalement et prioritairement réservés aux restaurations et non au projet de gradins.
Il a donc fallu une semaine à tout un comité de pilotage pour se souvenir du nom du matériau qu’ils avaient, dit Monsieur le Maire, choisi en juin ? Comment les personnes concernées peuvent avoir oublié le nom du matériau choisi alors que les gradins sont une véritable obsession dans les bureaux de Monsieur le Maire ? Comment peut-on imaginer que les maîtres d’œuvre du projet aient eu une crise d’amnésie collective pour confondre « pisé » et « béton », lors des Journées du Patrimoine de septembre ? La structure des gradins béton a été pourtant bel et bien détaillée devant des montages photos et croquis de façon très compétente par les spécialistes mandatés.
Rendons alors à César ce qui est, car la transparence dont se targue Monsieur le Maire appartient en fait uniquement à l’agence Sunmétron, forte de ses explications concernant la composition des « assises végétalisées » et nous les en remercions. Heureusement que nous avons pu les rencontrer ! Il est vrai que ce comité de pilotage est déjà lui-même assez complexe à identifier. On compte entre autres le maire et ses adjoints, juges et partie, trois collaborateurs ayant depuis démissionné de leur fonction, Sunmetron et Eveha évidemment informés car prestataires avec des enjeux financiers, la Drac et l’architecte en chef des Monuments Historiques, dont on ne connaît pas les arguments. Et c’est en discutant avec certains que l’on a en fait la surprise de comprendre que nul ne sait ce qui est en réalité décidé.
Béton ou pas béton?
Si confusion il y a dans ce choix sinistre de béton, c’est à la Mairie et l’agence Sunmétron de se mettre d’accord, tant dans les faits que dans leur communication. Nous ne faisons pour notre part que mettre en lumière des flous et des non-dits autour des projets destinés à transformer le site.
Dans l’art du mensonge, « on tend à faire croire que celui-ci est une vérité pour finir par dire que la vérité est un mensonge ». On y est. Notre association n’a pas pour objet d’inventer bêtement un mensonge alors que nous avons déjà bien trop de soucis de protection pour le monument (visibilité des parties historiques, affaissement, piétinement, aménagements à outrance dans le vallon, stationnement, sérénité des résidents, acoustique, normes handicaps, sorties sécuritaires…) Faut-il encore rappeler que nous ne sommes pas du tout opposés à l’usage du site pour des spectacles mais contre une grosse « machinerie » évènementielle privatisée ? Nous ne voulons « effrayer personne » car nous sommes déjà plus de 8000 signataires de pétition effrayés. Ce n’est pas nous qui effrayons les citoyens, c’est l’incohérence de la communication municipale qui est effrayante.
Il est vrai que la mairie nous a habitués à des changements de discours et nous accordons à Monsieur le Maire (selon ses mots lors de l’émission radio Demoiselle FM), que les citoyens « sont très mal informés ». Cela fait en effet deux ans et trois mois que nous demandons une réunion autour des sujets scientifiques. Mais nous n’avons eu depuis que des shows « powerpoint », des agences de communication et des magazines municipaux à édition spéciale d’autosatisfaction.
Faut-il croire que les membres de MédiaCtions et de la Société d’archéologie et d’histoire de la Charente Maritime ayant écrit communément la Charte pour la protection de l’amphithéâtre et fondé l’Observatoire du Patrimoine de Saintonge, soient incapables de comprendre et de parler matériaux et techniques de construction ? Ce serait à se demander à quoi sert l’archéologie ? Disons que chacun choisit une posture quand les protocoles obligent à des marques de considération. Ainsi pouvons-nous aussi citer une autre désobligeance de la part de la municipalité envers les associations précitées. Ce week-end étaient fêtés les 180 ans de la Société d’archéologie et d’histoire. On aurait pu rendre hommage à cette grande dame lors du discours officiel, à l’instar des interventions de Messieurs le Député et Président de la Communauté d’agglomération. On aurait pu imaginer que 180 ans d’histoire et de protection des patrimoines auraient mérité une « trêve » dans les désaccords autour de la question des gradins ?
Monsieur Le Maire, décidément incorrigible, n’a pas entendu la quiétude des hôtes organisateurs de la Sahcm. Il n’a pas vu non plus que ce choix de ne pas répondre aux sarcasmes et à la tirade apologique des gradins était juste de l’élégance et du respect de l’instant. Notre premier magistrat a donc très longuement narré ses arguments pour la transformation de l’amphithéâtre en grande salle de spectacles, démentant son bétonnage après avoir accusé de menteurs des membres présents dans l’assemblée.
C’était un jour de fête et c’est dommage. On ne peut obliger un élu ni à se taire ni à entendre. C’est une question d’élégance et de personnalité. Rendons alors hommage à Madame la présidente de la société d’archéologie qui passant outre le malaise de l’instant, a voulu coûte que coûte prioriser la solennité de cette belle journée d’anniversaire.
Repas d'anniversaire de la Société d'archéologie de Saintes
Relais des Rois le samedi 12 octobre 2019
Aujourd’hui, les poésies écologiques et les simulations virtuelles ne suffisent plus et il importe de tenir un discours audible et concret face aux citoyens. Rappelons que le pisé, s’il est plus écologique que le béton, n’apporte aucune solution aux dangers de transformation de l’amphithéâtre en trous de gruyère. Ce matériau très sensible à l’humidité aurait de plus besoin d’un socle en dur, isolant et ancré de manière irréversible sur le terrain et le sous-sol. In fine, cela ne change rien. Si le pisé est moins catastrophique que le béton, nous n’en voulons pas non plus. Et en réponse aux propos radios tenus par Monsieur le Maire, nous faisons simplement remarquer qu’il est faux de dire que ce qui ne se voit pas n’est pas important lors d’une construction. C’est tout à fait le contraire quand on parle un tant soit peu de durable, d’écologie et d’archéologie.
Aujourd’hui, bien que nous n’apprécions guère d’être accusés à tort de mensonges, nous sommes satisfaits d’avoir fait avancer le débat. Car maintenant qu’il a été question ouvertement et officiellement de béton, notons bien que la municipalité a publiquement déclaré qu’elle n’en utilisera jamais ! Notons que chacune de nos interventions protège notre monument non seulement des projets inconsidérés mais aussi des risques de confusions et de non-dits des communiqués.
Non le projet du maire n’est pas soutenu par les saintais. Les citoyens sont assez cultivés pour différencier l’urgence de la restauration du monument et les flous et les manques du projet subsidiaire de rénovation. Les citoyens rappellent que tant pour le bien être des habitants au quotidien, que pour un projet touristique d’envergure, il est de nombreuses autres priorités et mieux à faire que de financer les gradins de la discorde. Quid de la collection lapidaire, la nouvelle sacrifiée et martyr de notre cité…. ? Elle a pour amis sinistrés le site Saint-Louis, le site de la Palu, la cathédrale, les thermes… C’est de dire que notre Tribune « tout ce que l’on ne nous dit pas » n’a pas fini d’écrire !
Votre association Médiactions - 14/10/2019
La prochaine tribune : Les projets de l’amphithéâtre, entre finances et romance… Le jeu de l’amalgame !
Copyright Médiactions - Tous droits réservés - Crédits photos : Médiactions (sauf mention contraire)
Médiactions est une association loi 1901 qui a pour objet la sauvegarde du patrimoine culturel et naturel
Objet de l'associaton - Qui sommes-nous - Rejoindre Médiactions - Revue de presse -