Conférence de Louis Maurin sur l'arc dit de Germanicus
Conférence ce soir mardi 16 octobre à Saintes, avec Louis Maurin. Un rendez-vous important pour les amoureux des patrimoines saintais. Louis Maurin est un des piliers de l'érudition saintaise et nous écouterons encore ce soir très attentivement chacun de ses mots, avec le souci permanent de lier l'histoire du monument aux connaissances archéologiques . A Saintes, nous avons de cesse de le préciser, l'arc n'aurait jamais eu pour fonction d'être une porte de triomphe. En sa fonction d’arc routier, il inaugurerait peut-être autant la construction d’un nouveau pont de pierre chargé des symboles de pouvoir impérial, que la simple arrivée de la via Agrippa. Le pont de pierre ferait alors partie des enjeux de la création de l’urbs (ville construite à la romaine). Allons écouter Louis Maurin pour en comprendre les détails. ON NE DIT PAS de "TRIOMPHE" ! ? Les patrimoines gardent toujours en eux un fragment de mémoire cachée... Saintes n'a donc jamais eu d'arc de Triomphe !.... Mais existe-t-il en fait un seul et vrai arc de triomphe dans les Gaules romaines ? La question ferait vite polémique...
Oublions la question un instant pour considérer qu’il existerait des centaines d'arcs de triomphe dans l'Empire romain et que toutes ces arches ont en commun une origine religieuse. Après chaque bataille en effet, les soldats devaient passer à travers une porte sacrée, appelée fornix, qui les délivrait des forces destructrices s'étant emparées d'eux. La porte délivrait des forces de la guerre pour refaire du soldat un citoyen en paix. La porte purificatrice devait être à l’entrée de la ville, comme à Orange, ou du forum. Le terme de fornix désignerait le passage que la voûte enjambait.
Au contraire de nombreux monuments, l’arc n’a pas d’origine hellénistique et il devient une nouveauté romaine dans l’art d’immortaliser la victoire militaire. Mais les premiers fornices laissèrent vite place à des constructions de pierre dans lesquelles étaient gravées les images des valeureux guerriers.
En république romaine, la cérémonie du triomphe voit un général vainqueur défiler dans Rome à la tête de ses troupes. Il ne pouvait y avoir de triomphe si l'ager romanus, le territoire de la République, n'avait pas été agrandi. Il fallait détenir l’imperium (le pouvoir) comme consul, dictateur, ou préteur et ramener son armée à Rome, signifiant que la guerre était finie.
À partir d'Auguste, le triomphe est réservé à l'empereur et à la famille impériale. Les généraux victorieux doivent alors se contenter de l'ovatio, moins important que le triomphe, ou des ornements triomphaux. Ornées de bas-reliefs, ces portes monumentales prennent alors une signification beaucoup plus politique qu'une signification rituelle. Il n'était pas nécessaire à un empereur d'avoir combattu pour obtenir le triomphe. L'empereur Claude obtint le triomphe pour les victoires remportées par ses généraux.
La construction de ce type de structure va se généraliser dans toutes les provinces et les arcs impériaux sont érigés pour celui qui célèbre un triomphe. L'arc monumental devient un vecteur de la propagande impériale présent dans tout l'Empire, symbole de la puissance romaine.
Au sens strict donc, un arc de triomphe est dressé pour célébrer la cérémonie du triomphe romain qui se déroule à Rome. Ainsi, les véritables « arcs de triomphe » se trouveraient uniquement à Rome tandis que les autres arcs, dont ceux des Gaules, appelés aussi « arcs de triomphe » ne seraient en réalité que des arcs monumentaux honorifiques, ne servant pas à la cérémonie du triomphe mais glorifiant un événement ou un personnage.
Alors somme toute, je pense que de nombreux articles concernant la porte antique de Mediolanum, oublie trop souvent la mise en comparaison avec les autres édifices des Gaules et de Rome.Les choix de deux baies pour notre arc et l’absence de tout relief commémoratif nous font dire sans le moindre doute que l’arc de Mediolanum ne fait pas partie des portes de triomphe honorifique. Mais on ne peut avoir la prétention de tout connaitre de l’état d’esprit des commanditaires de la construction, au moment même de la mort de Germanicus, soit en 19 apr JC. En 1844, les annales archéologiques dirigées par Didron Ainé de la Bibliothèque royale – secrétaire du comité historique des arts et monuments. Paris – nous donnent de sérieux détails sur la démolition de l'arc précisant que "les pierres ont donc été mises sans soin, sans précaution sur un charriot et transportées dans un pré voisin. Là, on les faisait basculer, et, en roulant, elles allaient se heurter, se briser les unes contre les autres. Pas une n'est restée intacte, et le peu de sculptures qui subsistaient sont mutilées, méconnaissables. La base de l'édifice, qui oppose trop de résistance, est ouverte à l'aide de la poudre à canon : qu'on juge maintenant de l'état dans lequel se trouvent ces blocs après l'explosion ?"
Malgré toutes les compétences de nos érudits et de nos archéologues (comme Jean Louis Hillairet et son magnfique travail autour des aqueducs) , il reste donc toujours une part d'inconnu dans nos interprétations contemporaines,... celle de ne pas connaitre vraiment le "Sentiment" des habitants d'antan... Chaque pierre disparue est un mystère qui nous passionne. c'est un morceau de puzzle qui nous oblige à une humilité. ... Aimer le patrimoine, c'est savoir que nos vérités sont parfois fragiles, mises à l'épreuve permanente de nouvelles découvertes... Aimer le patrimoine, c'est s'instruire des connaissances offertes par ceux qui ont oeuvré toute leur vie pour la mise en histoire des monuments, comme Louis Maurin ce soir. Aimer le patrimoine, c'est aussi et surtout le devoir des collectivités et des élus de restaurer les monuments sans modifier leur bâti, dont notre génération a hérité. A Saintes, la ville est aujourd'hui en danger et nous avons besoin de la mobilisation de chaque habitant pour lutter contre les projets irresponsables de la municipalité. Croyez bien que pour ce faire, nous sommes plus que jamais déterminés.
Cécile Trébuchet
Guide conférencière
Présidente de Médiactions
16/10/2018